En principe, il n'y a pas de redoublement de classe au Japon
- Dans quels pays avez-vous fait votre scolarité ?
J'ai fait ma scolarité au Japon dans la ville de Kamakura jusqu'à l'âge de 14 ans. Ensuite, je suis venu en France à Paris et j'ai terminé mes études à Strasbourg.
À mon arrivée en France, je ne parlais pas un mot de français et je suis d'abord passé par l'école japonaise à Paris pour terminer ma scolarité obligatoire (qui va jusqu'au collège). Cependant, dans cette école, on n'apprenait pas beaucoup la langue française et on parlait en japonais. Le programme scolaire qui y était dispensé était plutôt destiné aux collégiens qui allaient retourner au Japon pour passer des concours d'entrée au lycée (l'anglais est la langue obligatoire, le français n'est quasiment pas enseigné avant l'université). Par conséquent, j'ai dû l'apprendre par moi-même au début. Mes premiers copains français ont été les judokas du Racing Club de Paris où je pratiquais ce sport avec passion. C'est avec eux que j'ai commencé à parler un peu français.
- Quel souvenir gardez-vous de votre scolarité ?
Mon premier souvenir d'école remonte au primaire, j'avais 5-6 ans et j'aimais beaucoup ma maitresse d'école. Un jour, je lui ai fait un baiser sur la main et je suis parti en courant, rouge de honte !!!
Je me souviens aussi que mes parents m'obligeaient à suivre des cours particuliers quand j'avais 13 ans (très courant au Japon), et que l'étudiant qui me les donnait à domicile avait un effet on ne peut plus soporifique : je devais me pincer fortement la cuisse pour ne pas m'endormir. Encore aujourd'hui je repense à la lutte que je devais mener contre l'endormissement et cela me fait encore sourire.
Étant très bavard et indiscipliné à l'école, mes parents m'envoyaient au temple bouddhiste pour faire du zazen afin de me canaliser. Il fallait y être dès 5h30 du matin pour méditer en silence pendant 1 heure en restant parfaitement immobile et sans s'endormir, faute de quoi le moine surveillant venait nous donner une petite tape sur l'épaule avec un long bâton fin en bois. Je précise que le bruit était plus impressionnant que douloureux dans ce silence monacal.
- Quels cours vous passionnaient et pourquoi ? A cause du thème ou de l'enseignant ?
Je n'avais pas de matière préférée. Sinon, j'aimais bien un professeur de Sport, car il était jeune, rigolo et il ne se prenait pas au sérieux. De plus, il possédait une super voiture, une Nissan Skyline de couleur blanche qui m'impressionnait beaucoup. Je me rappelle qu'une fois, il m'a autorisé à monter dans sa voiture et pour cela il m'a demandé de me déchausser pour ne pas salir sa moquette comme pour entrer dans une maison au Japon. D'ailleurs, il la conduisait avec une paire de chaussures réservée pour l'intérieur de son véhicule ! J'avoue qu'à part lui, je n'ai jamais vu quelqu'un d'autre faire ça.
- Est-ce que les réunions de classe sont une institution dans votre pays d'origine ?
Oui, c'est chose courante, mais je n'y ai assisté qu'une seule fois il y a de nombreuses années.
- Avez-vous gardé contact avec vos camarades de classe et comment ?
Oui j'ai gardé le contact avec un super pote d'internat (que j'ai connu à Strasbourg) et qui vit maintenant à Cognac. Au Japon, je n'ai quasiment plus de contact avec des camarades de l'époque. Car au début de mon séjour en France, il n'y avait ni d'e-mail, ni de forfait téléphonique gratuit vers le Japon. Je devais répondre par lettre manuscrite à une vingtaine de personnes et je n'avais ensuite plus de temps pour faire cela.
- Êtes-vous déjà retourné dans les établissements de votre parcours scolaire ?
Je suis repassé devant mes établissements au Japon et en France, mais je n'y suis pas entré.
- Comment êtes-vous arrivé en France ?
J'ai suivi mes parents à Paris en 1981 car mon père faisait son doctorat à la Sorbonne.
- Quel regard portez-vous sur l'école française ?
Je trouve qu'on est plus libre dans ses paroles, dans ses actes et même dans la façon de s'habiller et de se coiffer ! En tout cas, mon tempérament était plus adapté à l'école française.
Au Japon, il est interdit dans les écoles d'avoir des cheveux colorés ou permanentés. Ce sont souvent des mauvais garçons (ou filles) qui font ça !
- Selon vous, quelles sont les principales caractéristiques de l'école au Japon ?
Il existe une grande discipline et une grande cohésion. L'ambiance est un peu militaire à mon avis ; on porte un uniforme du collège au lycée, on participe à la réunion matinale en se tenant debout, aligné en rang, pour écouter le discours du chef d'établissement sur le terrain de sport et chanter l'hymne de l'école. Ah, on doit aussi faire le ménage nous-mêmes dans les classes, couloirs et toilettes ! Tout se passe très bien, personne ne râle !
Les élèves sont en fait très impliqués dans la vie de l'établissement par participation active et obligatoire à un comité qui s'occupe de la vie de tous les jours à l'école, organisé autour d'un thème comme : comité d'informations pour informer les élèves sur les évènements de l'école, comité environnement et propreté qui veille à ce que l'école, les salles de classe soient propres, comité bibliothèque, comité hygiène et sécurité, etc. Je faisais partie d'un comité qui était chargé d'annoncer des nouvelles via les haut-parleurs de l'école, passer des musiques d'ambiance aux heures de repas et de récréation.
Il y a aussi beaucoup d'activités sportives après les cours (base-ball qui est le sport le plus populaire au Japon, ping-pong, tennis, football, volley-ball, judo, kendo, etc.).
La vie des élèves ne s'arrête donc pas à une simple participation aux cours comme en France. Ma compagne connaissant bien l'Angleterre m'a dit que le système éducatif japonais ressemble beaucoup au système anglo-saxon.
Il y a aussi le respect des aînés. On ne s'adresse pas de la même manière à une personne qui est dans une classe supérieure qu'à celle qui est dans une classe de même année que vous. En principe, il n'y a pas de redoublement de classe au Japon. Par conséquent, un élève qui est dans une classe supérieure est forcément plus âgé que vous. La notion de senpai (aîné) et kōhai (cadet) est très importante au Japon dans toute votre vie au Japon.
- Y a-t-il une grande différence entre l'école française et celle que vous avez connue ?
Oui, par exemple, la rentrée des classes au Japon a lieu au mois d'avril, tout démarre avec le printemps au Japon.
L'école japonaise est plus stricte, on n'a pas le droit de fumer des cigarettes par exemple. Quand je suis rentré dans une école française, j'ai été très surpris de voir les élèves fumer comme des pompiers. Aussi, on ne se bécote pas à l'école au Japon!
Je signale au passage que l'âge de la majorité qui donne le droit de vote, mais aussi le droit de consommation de tabac et d'alcool, etc. est fixé à 20 ans. Il existe par ailleurs une fête très solennelle de la majorité (seijin shiki), qui a lieu le deuxième lundi du mois de janvier chaque année. C'est un jour férié.
- Quelque chose de spécial à ajouter ? Sentiments ? Émotions ? Anecdotes ?
Oui, j'ai une pensée particulière pour toutes les victimes et leurs familles du séisme du 11 mars 2011, du tsunami et de la catastrophe nucléaire.