Je la revois petite fille : elle était aussi blonde que moi j'étais brune !
Je suis originaire de Bergerac où je vis encore aujourd'hui. Mais après la guerre ma famille était partie vivre à Royan pendant moins de dix ans. Mon père était architecte et en 1945, Royan était totalement détruite suite aux bombardements. Il y avait alors beaucoup de travaux de construction et reconstruction dans cette ville. Mon père est donc revenu en Charente d'où mes parents étaient originaires pour reconstruire cette ville que j'aime tant.
Une petite fille habitait juste à côté de chez nous et nous avions le même âge. Elle s'appelait Evelyne. Nous allions à l'école et au catéchisme ensemble : nous étions toujours ensemble ! Nous n'avons fréquenté qu'une seule école là-bas : la grande école de La Clairière de Royan. J'ai fréquenté Evelyne pendant environ huit ans. Nous sommes ensuite repartis à Bergerac avec ma famille et je ne l'ai plus jamais revue ensuite.
Nous nous aimions beaucoup, nous étions comme deux sœurs. Nous étions très proches : elle était toujours chez moi puisqu'elle habitait à deux pas de notre maison. Elle attendait toujours à la fenêtre. Elle avait beaucoup de frères. Nous avions environ six ans quand nous nous sommes connues. J'ai tous ces souvenirs en tête, je la revois telle qu'elle était petite fille : elle était aussi blonde que moi j'étais brune.
Nous allions à pied ensemble à l'école à La Clairière. Nous avions environ cinq ou six kilomètres à faire. Nous partions de bonne heure le matin, mangions à la cantine puis restions à l'étude.Nous rentrions le soir avec son petit frère et le mien. Tout le monde rentrait en groupe, nous étions tous ensemble et nous nous tenions tous la main. J'en ai gardé un excellent souvenir.
Quand nous allions au catéchisme, nous partions dans le Parc. Nous avions très froid, nous mettions nos mains dans les poches toutes les deux. Nous étions très, très proches. Nous avons fait notre communion et confirmation ensemble, je devais donc avoir au moins treize ans quand j'ai quitté Royan.
Nous partagions nos goûters parce qu'elle n'était pas riche. Nous partions à la plage ensemble. J'ai également nos photos de classe que je lui ai envoyées car elle ne les avait plus.
Aujourd'hui, nous avons 67 ans toutes les deux, nous ne sommes donc pas revues depuis nos treize ans.Pendant toutes ces années je n'ai jamais cessé de penser à la retrouver. Chaque année, nous allions en vacances à Royan ou dans les Charentes avec mon mari et chaque année il me disait : "Ça va recommencer avec ton amie Evelyne ! On va encore devoir galoper partout !". Nous nous rendions dans les mairies de toutes les villes avoisinantes, parfois dans les départements voisins. Nous avons bien sûr fait des recherches avec son nom de jeune fille. J'essayais de me rappeler où vivaient ces grands-parents par exemple. Un jour, on a appris qu'elle avait une tante qui avait habité à un endroit précis, nous nous y sommes rendus : sa tante était déjà repartie vivre ailleurs. Bref, je ne l'ai jamais retrouvée en cinquante ans d'actives recherches.
Il y a trois ans, je me suis décidée à acheter un ordinateur. Et la première chose que j'ai fait c'est de m'inscrire sur Trombi.com et rechercher ma copine. J'ai tout de suite retrouvé plein de camarades. Ils se disaient copains avec moi mais dans mon école il y avait une séparation : d'un côté les garçons et de l'autre les filles. Et c'est vrai qu'en correspondant un peu avec eux, je me suis vite rendu compte qu'on avait finalement fréquenté la même école, la même cantine. L'un d'eux m'a rappelé que nous mangions à la même table, je ne m'en souvenais pas. Nous nous rappelions les mêmes choses alors que nous ne connaissions pas vraiment. Depuis je suis devenu amie avec ces garçons-là qui ont donc eux aussi fréquenté l'école de La Clairière au même âge que moi. J'en ai bien sûr profité pour leur demander s'ils n'avaient pas des sœurs ou des amies qui connaissaient mon amie Evelyne. Mais une fois encore je restais sans résultat. Par la suite, j'ai pu poser la question sur Trombi.com à la sœur d'une amie. Celle-ci m'a informé que la famille d'Evelyne avait bel et bien quitté Royan quelques temps après ma famille. Au fil de mes recherches j'ai retrouvé tous mes amis de Royan, tous ! Seule Evelyne manquait à l'appel.
Et puis un jour, j'ai reçu un message de Trombi.com : "Quelqu'un a visité votre page"... et c'était Evelyne ! Vous ne pouvez pas savoir comme j'étais heureuse !
Elle s'était inscrite sur le site car elle avait découvert ma présence sur Trombi.com sur un moteur de recherche. Je lui ai immédiatement adressé un message pour que l'on s'échange nos adresses et qu'on puisse vite parler par téléphone.
Je ne pensais vraiment plus la retrouver après autant de recherches pendant ces cinquante dernières années. Evelyne me disait : "Je n'ai recherché qu'une seule personne : pas les autres élèves mais toi et seulement toi.".
Il s'avère qu'elle avait quitté Royan un an après moi. J'aurais tant aimé rester vivre à Royan, j'adore cette ville qui est la ville de mon enfance. Elle aussi la pauvre : elle avait suivi ses parents qui avaient quitté la région. Elle habite maintenant dans le Vaucluse. Nous ne nous sommes pas encore revues car son mari travaille encore beaucoup, ils tiennent un commerce et un petit bar. Mais nous n'avons qu'un seul désir : nous retrouver. Il me tarde de la revoir si vous saviez !
Quand nous nous sommes écrites la première fois, je me suis bien sûr présentée et je lui ai demandé si elle se souvenait de moi. Elle m'a tout de suite répondu "Évidemment !". Aussitôt nous nous sommes échangé nos numéros de téléphone et puis tout de suite cela a été comme si nous ne nous étions jamais perdues ! Nous avons immédiatement retrouvé notre complicité, notre intimité. Nous avons commencé à nous demander si on était mariées, si nous avions des enfants. Nous avons parlé de famille, de la vie. Elle a quelques petits-enfants comme moi. Je suis maintenant veuve mais elle est encore mariée. Evelyne n'est jamais revenue à Royan alors que j'y passe toute mes vacances. Nous nous sommes rappelées des tas de souvenirs. Je lui ai fait parvenir nos photos de classe car elle ne les avait plus. Je lui ai aussi envoyé des photos de mon petit-fils, de ma fille et de moi maintenant.
Je vais l'appeler pour lui raconter que vous faites un article sur notre belle histoire. Vous savez, je l'ai rencontrée, nous nous sommes perdues, toute ma vie je l'ai recherchée, je suis très heureuse de l'avoir retrouvée. J'espère la revoir prochainement.
Crédit photo : DR.