Le "Mauvais plan" d'Action Innocence
L'histoire : Tout commence par un tchat entre une fille et un garçon. Elle lui demande une preuve "d'amour" : un striptease. Il hésite mais finit par le faire.
Ce qu'il ne sait pas, c'est qu'elle enregistre la scène à son insu, qu'elle est avec deux copines et que dans 2 minutes, il sera mis à nu sur Internet. Message de conclusion : Piégé en 2 minutes... Visible par des millions d'internautes !
Le talent de Gilles Guerraz, jeune réalisateur de fiction, a rendu cette scène de vie plus vraie que nature.
Patrick Pion, responsable de la Communication d'Action Innocence nous a expliqué les enjeux de l'éducation des mineurs à l'usage internet.
- Comment est né action innocence ?
Action Innocence est une organisation non gouvernementale (ONG) à but non lucratif fondée en Suisse par Valérie Wertheimer en 1999 en Suisse, et en 2003 en France. L'association est donc présente en Suisse, en Belgique, en France et à Monaco. Notre mission est de contribuer à préserver la dignité et l'intégrité des enfants surfant sur Internet.
- Comment est venue l'idée de ce clip ?
Ce clip, intitulé "MAUVAIS PLAN", est né d'une idée originale d'étudiants de l'ESC Montpellier. Un groupe de travail de Sup de Co de Montpellier a eu envie de faire quelque chose sur Action Innocence, certainement car Véronique Fima, Directrice d'Action Innocence France, en est une ancienne élève. Ils nous ont demandé notre autorisation sur le principe. Nous avons dit oui et quand ils ont rendu leur copie, sur l'idée d'un clip de prévention nous avons eu envie de le réaliser. Nous avons alors contacté des partenaires pour le produire. Sony Ericsson a été emballé par le projet car cela correspondait parfaitement à leur cible : les adolescents. C'est un vrai travail collectif. Nous avons travaillé avec un jeune réalisateur, Gilles Guerraz et son équipe de techniciens. On a pris volontairement des jeunes acteurs amateurs de 15, 16 ans. Le réalisateur a eu la patience de travailler avec eux, ce qui donne un résultat très naturel. On a vraiment l'impression d'avoir pris ces trois jeunes filles sur le fait.
- Quel message avez-vous voulu passer avec ce clip ?
Notre idée de base était de délivrer un message sur les dérives de la webcam suite aux retours de nos psychologues qui sont sur le terrain. Au départ, le clip de 55 secondes ne devait être diffusé que sur internet et puis nous avons été conquis par le résultat et on s'est dit qu'il fallait diffuser ce message le plus largement possible. Nous avons donc contacté les régies TV et la plupart d'entre elles ont dit "Banco, on vous aide en vous offrant l'espace pour diffuser ce spot". Tous les espaces où sera diffusé le film sont gracieusement offerts par nos partenaires.
- Quelles actions menez-vous ?
Ce sont des actions de prévention et d'éducation. Nous avons une équipe qui va dans les établissements scolaires du CM1 à la 3ème. Elle présente des modules de prévention adaptés à l'âge et aux pratiques des enfants concernés. Les interventions durent 1h30 avec une partie prévention et une partie questions/réponses. C'est la raison d'être de l'association : la prévention en milieu scolaire. On fait également des conférences auprès des parents ainsi que des formations auprès du personnel encadrant (infirmière scolaire, enseignants). C'est grâce à eux que la prévention peut se faire à plus grande échelle car nous n'avons que 4 psychologues sur le territoire !
Bien entendu, on présente d'abord internet comme étant un outil formidable, il ne s'agit pas de stigmatiser ce média. L'idéal est de savoir bien l'utiliser, d'où notre volonté d'apporter une éducation numérique. Et comme le montre le clip, il s'agit d'être des internautes responsables. On ne souhaite pas faire la chasse aux sorcières, auteur ou victime, on a forcément une responsabilité.
Nous avons également des actions de communication comme par exemple la campagne du masque diffusée l'an passé.
- Quels supports utilisez-vous pour ces actions de prévention ?
Nous avons plusieurs outils pédagogiques comme les bandes dessinées, les tapis de souris. Pour les campagnes, ça peut être des affiches, des flyers. Aujourd'hui nous sortons un guide : le guide Netcode, être adolescent, vivre, aimer, séduire à l'ère du numérique. C'est un guide de 28 pages qui s'adresse aux adolescents et s'appuie sur des situations vécues sur internet.
- Où trouvez-vous les fonds pour ces actions ?
Pour une grande partie, les fonds sont récoltés lors d'un gala annuel qui a lieu le 24 novembre. Cela nous permet de vendre des tables. Pour la 4ème année, des créateurs ont accepté de customiser des nounours, symbole de l'innocence. Il y aura donc une vente aux enchères de ces créations menée par Maître Delettrez, président de Drouot, au profit de l'association. Ceci représente 50% de nos besoins financiers annuels et l'autre partie de nos revenus vient du mécénat d'entreprises et des partenariats privés. Nous ne faisons pas d'appel aux dons de particuliers car ils sont déjà très sollicités !
- Quels dangers les enfants peuvent rencontrer sur internet ?
Ils sont nombreux. Les gens pensent en premier lieu à la pédophilie mais il y surtout la manipulation psychologique, l'incitation à la haine raciale, la diffamation, les insultes.
- Concrètement, comment protéger les mineurs sur internet ?
La première des choses, c'est installer ou réinstaller le dialogue avec l'enfant. Aujourd'hui, on se rend compte que 2 générations s'affrontent : les enfants qui connaissent le bon fonctionnement d'internet parce qu'ils sont nés avec et des parents qui maitrisent beaucoup moins l'outil. On est face à un phénomène qu'on n'a jamais vécu avant, ce sont les enfants qui expliquent aux parents comment internet fonctionne ! Mais un adulte continue toujours d'apporter beaucoup à l'enfant, d'où cette importance du dialogue.
Si les enfants ont vu des images choquantes sur internet, il faut en parler avec un adulte comme par exemple les parents, les professeurs, les surveillants.
Bien évidemment, ne pas laisser un enfant seul avec un ordinateur seul dans sa chambre. Il faut que ce soit cadré.
Installer des filtres parentaux peut être une première barrière aux dangers du net mais ce n'est pas suffisant. Il faut surtout qu'il y ait un dialogue entre les parents et l'enfant. Pour cela, il faut que les parents arrêtent de faire l'autruche en disant "je n'y comprends rien, je laisse mon enfant se débrouiller sur internet".
Au niveau de la prévention, l'idéal serait d'avoir des cours d'éducation numérique dans les écoles. Aujourd'hui, cela n'existe pas par manque de moyens.
Pour nous, la plus grosse des erreurs, c'est d'interdire l'accès à internet aux enfants. Au contraire, il faut leur permettre d'y aller en leur expliquant qu'il ne faut pas tout gober comme une éponge, que tout n'est pas nécessairement vrai sur internet et qu'il est parfois bon d'aller vérifier les informations trouvées sur d'autres sites ou dans les livres ou tout simplement poser la question à un adulte.
Il faut faire de la prévention le plus tôt possible car maintenant, les enfants surfent sur internet dès 6 ou 7 ans, dès l'acquisition de la lecture. D'où notre priorité de créer des relais pour que la prévention se fasse le plus tôt possible.