Nous avons refait notre photo de classe quasiment au même endroit
- Combien de temps cela vous a-t-il pris pour organiser cette réunion ?
Cela m'a pris une année complète. C'était plus intensif les trois derniers mois, pour finaliser l'exposition, qui a eu un grand succès. Sept panneaux, cela représente un gros travail de documentation mais quand je repense aux camarades de classe qui sont restés devant, je me dis que ça en valait la peine.
- Combien étiez-vous pour organiser l'événement ?
J'étais seule pour la majeure partie de l'organisation. Certaines personnes ont apporté leur contribution en me donnant des photos de l'époque. J'ai reçu l'aide de Jean-Paul Calès qui a reproduit toutes les photos, les a encadrées, les a exposées et s'est occupé des commandes et des expositions de reproductions.
- Êtes-vous retournés dans votre école ?
Oui, nous avions rendez-vous dans la cour de l'école. Cela a été un grand moment ! Je n'arrivais pas à faire rentrer mes camarades, ils sont restés une heure dans la rue à discuter. Je m'étais munie d'un sifflet comme notre instituteur que j'avais mis autour de mon cou. J'avais beau donner des coups de sifflet, ils étaient encore plus indisciplinés qu'autrefois ! J'en ai fait asseoir quelques-uns par terre pour refaire la photo de classe.
L'ensemble de l'école a très peu changé. L'intérieur des classes est plus moderne bien entendu, mais le bâtiment est resté le même vu de l'extérieur ce qui nous a permis de refaire notre photo de groupe quasiment au même endroit, devant la classe de Monsieur Lécot, qui reste notre maître emblématique à tous.
En prime, nous avons eu la chance d'avoir un temps magnifique. C'était formidable.
- Comment s'est déroulée cette journée avec d'anciens camarades de classe ?
Tout s'est très bien déroulé. Le timing a été parfait. Toute la journée a été bien remplie grâce aux petites étapes que j'avais prévues. Ils voudraient tous que l'on recommence mais je pense que cela n'aura pas le même charme. La deuxième fois cet événement perdra de sa magie. Des contacts se sont noués entre certains qui se sont retrouvés et l'un d'entre nous qui n'a pas pu être présent le 8 août, va venir chez moi à Rochefort la semaine prochaine. Ce rassemblement a entraîné beaucoup de courriers, beaucoup d'échanges. Cela a eu un retentissement important dans le village.
Ma mère est très fière ! Elle m'a beaucoup aidée à retrouver des documents, des témoignages. J'ai même laissé l'exposition chez elle en Gironde. Des gens de sa génération ou un peu plus jeunes qui ont entendu parler de l'exposition passent la voir à son domicile. Cela continue à porter ses fruits.
- Combien de personnes ont été invitées ?
Sur 73 personnes retrouvées, 38 sont venues. C'est un beau succès.
- Qu'avez-vous fait lors de cette journée de retrouvailles ?
Nous nous sommes d'abord retrouvés à l'école. Les retrouvailles ont duré un bon moment. Le maire, qui est l'un d'entre nous, a fait un discours d'accueil. Le tout a été suivi d'un apéritif. Nous sommes tous montés à pied à la salle des fêtes. J'avais préparé une entrée sur la musique de Glen Miller pour faire allusion aux années de guerre. Mes acolytes se sont précipités sur l'exposition, puis j'ai fait un discours. J'avais des choses à dire. Mon cousin m'a dit qu'il se demandait quand j'allais terminer car il était obligé de se retourner pour essuyer ses larmes. Sans tomber dans le pathos, j'ai fait passer le message de l'importance de l'enfance, de ce que l'on devait aux générations précédentes et la nécessité de laisser une trace.
Après toutes ces émotions, nous sommes ensuite passés au buffet. Une poignée d'entre nous sont aujourd'hui viticulteurs en St Émilionnais*. Vous imaginez bien que nous nous sommes régalés ! Certains ont pris la parole. Il y en a même un qui avait ramené un objet fabriqué avec l'aide d'un autre camarade en classe avec M. Lécot. J'ai gardé cet objet de travaux manuels pour le donner à cet autre camarade qui ne pouvait être présent le jour J.
J'avais également organisé des jeux de mémoire sur les musiques de films des années 50.
Vers quatre heures de l'après-midi, nous avons fait le tour du village à pied. Là, nous avons pu comparer la triste réalité avec nos souvenirs. Le bourg se meure, il n'y a plus d'activité alors qu'avant il y avait un commerçant ou un artisan par maison. Nous avons rencontré quelques anciens du village qui étaient pour certains sur le pas de leur porte et d'autre chez qui nous sommes allés sonner. Là, ça a été lourd en émotions. Il y a eu beaucoup de pleurs. Naturellement, ils ne nous reconnaissaient pas mais j'avais préparé des photos de l'époque et Jean-Paul nous avait confectionné des badges avec une photo de nous de l'époque. C'était drôle de comparer nos visages à l'âge de 10 ans avec ceux d'aujourd'hui. Certains ont peu changé, d'autres plus.
Les derniers ont dû partir vers 19h-19h30. En commençant à 10 h le matin, la journée a été bien remplie et sans temps mort !
- Qu'est-il arrivé ?
Le fils d'une ancienne institutrice est passé nous voir et voir l'exposition. J'avais fait un panneau avec des photos de nos camarades décédés et de nos instituteurs.
Deux d'entre nous n'ont pas pu venir pour des raisons de santé. Alors nous leur avons envoyés à chacun une carte postale avec les signatures et des petits mots de nous tous.
- Allez-vous vous retrouver à nouveau ?
Pour l'instant, une partie d'entre nous veut que l'on se retrouve dans trois ans, sur un thème et ailleurs. Moi, je veux bien, mais je les ai invités à se pencher sur l'organisation ! Organiser nos retrouvailles a été très prenant et passionnant ces derniers mois.
C'est amusant, le président de la société d'histoire du coin, qui m'avait prêté des ouvrages pour mon stand librairie, m'a demandé d'écrire des articles sur les années concernées par mes recherches. Un projet est en train de germer. Je vais donc continuer mon travail de recherches et d'écriture. Maintenant que je suis retraitée, j'ai tout mon temps pour ces enquêtes passionnantes. J'espère que cela débouchera sur la mise en conformité des archives municipales.
- Quelque chose de spécial à ajouter ?
Ces retrouvailles n'ont fait que confirmer mon sentiment. Les racines de l'enfance sont très présentes pour chacun d'entre nous. La grande majorité de ceux qui sont venus ont découvert des choses qu'ils ne soupçonnaient pas pendant leur enfance. Il y a eu de bonnes surprises, de vraies rencontres. Il y a eu des ajustements entre les personnes présentes. La découverte aussi que chacun avait ses parts de souffrances et en les affrontant à celles de autres, cela a débouché sur un apaisement. Il y a eu des choses très fortes comme les six enfants sur sept d'une même famille qui sont venus, pour certains de très loin. Ils ont pris une photo devant leur ancienne charcuterie et je n'ai cessé d'avoir des remerciements de leur part. Cela leur a fait un grand bien au niveau de la cohésion familiale.
Ces retrouvailles ont dépassé le stade anecdotique car nous avions vécu une période lourde dont on ne se rendait pas compte.
Ma bonne mémoire a scellé la cohésion du groupe.
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*L'abus d'alcool est dangereux pour la santé. À consommer avec modération.
Crédit photo : DR.