Tu allumes une petite étoile !
Tout a commencé dans un chalet savoyard, par une belle journée de septembre 2010. J'y retrouvais un camarade de promotion que je n'avais pas revu depuis 48 ans. Certes, je savais qu'il s'était retiré dans la région, mais nous n'avions pas encore eu l'occasion de nous rencontrer. Premier enseignement : il faut parfois forcer ce genre d'occasions. Depuis la fin de nos études, nous avions eu des destins très différents, si bien que le temps a passé à nous conter nos trajectoires respectives, ce qui, convenons-en, n'était pas d'un immense intérêt pour nos épouses. Au détour de la conversation, jaillit soudain l'idée de tenter d'organiser des retrouvailles à l'horizon 2012, c'est-à-dire pour le 50ème anniversaire de la fin de nos études de licence à la Faculté de droit de Lille.
Première question : comment retrouver les survivants ? Disons tout de suite que notre investigation s'est limitée aux 25 étudiant(e)s de la section de droit public, soit un quart environ des étudiants de licence de cette année-là. À l'époque, la licence durait quatre ans et, dès la troisième année, l'effectif se répartissait en trois sections : droit privé (les plus nombreux), droit public et sciences économiques. Avais-je eu un pressentiment ? Dans les derniers jours de juin 1962, avant la grande dispersion, j'avais fait circuler une feuille dans la salle de cours, demandant à chacun d'inscrire ses nom et adresse. J'avais ensuite fait polycopier cette liste, et distribué un exemplaire à chacun. Malgré plusieurs séjours à l'étranger et déménagements, je possédais toujours ce document qui, naturellement, ne comportait plus une seule adresse valable. Mais, c'est sur cette base qu'ont commencé mes patientes recherches.
En toute impartialité, je commencerai par dire que, sans l'aide de l'Internet, je ne serais pas allé bien loin. Mais, l'informatique ne résout pas tous les problèmes, notamment ceux que posent l'homonymie et les noms d'alliance. Dans certains cas, la consultation de l'annuaire (France entière) m'a fourni jusqu'à quatorze noms et prénoms identiques. Ensuite, les trois étudiantes (le droit public était très masculin à l'époque, la plupart des filles préférant suivre la filière droit privé) avaient très probablement changé de nom en se mariant. Jusqu'ici, je n'en ai retrouvé qu'une seule.
Aux Pages blanches s'ajoutent les moteurs de recherche. Pour peu que la personne recherchée ait écrit un livre ou un article - ce qui n'est pas rare pour un juriste - son nom sortira avec la référence de l'éditeur ou de la revue qu'on pourra toujours interroger. Les annuaires professionnels et certains réseaux sociaux comme Trombi.com se révèlent aussi d'un grand secours. Les caisses de retraite pourraient être utiles, mais elles répugnent à fournir des adresses pour des raisons de confidentialité que l'on comprend aisément.
Dans l'ensemble, la prospection est bien accueillie. Les interlocuteurs trouvent l'initiative sympathique; l'un d'eux m'a même dit qu'on lui avait déjà posé la même question. Parfois, il faut presque se transformer en détective privé pour mener une enquête de voisinage. À telle enseigne que je me suis demandé si, à l'heure de l'auto-entreprise, je n'allais, fort de l'expérience acquise, fonder un cabinet de recherches dans l'intérêt des familles !
Bref, au bout de trois mois, j'avais retrouvé 15 ex-condisciples et découvert que deux autres étaient décédés. À ce propos, il faut soigneusement recouper et vérifier les renseignements recueillis, et ne rien prendre pour argent comptant. D'un camarade qu'on m'avait dit avocat au Barreau de Paris et mort depuis longtemps, j'ai finalement appris qu'il avait fait carrière dans une entreprise publique et qu'il était bel et bien vivant ! Au début, la prospection progresse assez vite. Ceux qui ont fait leur vie dans la région sont restés en contact et, après en avoir retrouvé un, j'ai eu des indices pour en dénicher d'autres. Cependant, au bout d'un moment, on bute sur le noyau dur. Ceux qui sont partis sous d'autres cieux, en France ou à l'étranger, sont bien plus difficiles à localiser.
En accord avec la Faculté de droit de Lille II, il a été possible de fixer la date de ces retrouvailles au samedi 25 février 2012. Les invitations ont été lancées le 4 novembre dernier, par courriel ou par courrier. La réaction a été jusqu'ici assez faible. Mais, de l'avis de ceux qui ont déjà organisé de telles réunions, il semble que beaucoup attendent la relance téléphonique (prévue un mois avant) pour répondre positivement. Quant au programme de la journée, il commencera par une visite guidée de la nouvelle faculté de droit de Lille-Moulins, et se poursuivra par un pot d'accueil du Doyen et un banquet fraternel, servi sur place. L'après-midi sera consacré à la visite du désormais célèbre Musée de Roubaix. Il apparaît préférable de prévoir quelque chose pour l'après-midi. Sinon, les conversations s'éternisent jusqu'à ce que les participants prennent congé, dans une certaine pagaille !
Pour conclure, quelques anecdotes. D'abord, l'une des réactions les plus courantes de ceux avec qui j'ai rétabli le contact a été : "Pourquoi attendre 2012 ? " ou "Pourquoi ne pas avoir fait cela plus tôt ? ". Dans l'ensemble, l'accueil a été assez enthousiaste. Un seul m'a dit "qu'il ne souhaitait pas remuer son passé". Un cas m'a incité à continuer. Cette ex-condisciple venait de perdre son mari à la suite d'une longue et très douloureuse maladie. Elle m'a spontanément répondu : "Tu allumes une petite étoile !". L'idée de renouer avec des camarades de promotion lui apportait un réconfort. Quelques instants plus tard, elle recevait la liste actualisée et téléphonait à quelques-uns. Je me suis alors dit que, retrouvailles ou pas, si toutes mes recherches n'avaient abouti qu'à cela, j'en étais infiniment récompensé !
Jetons une bouteille à la mer! Voici les noms de ceux et celles qui n'ont pas encore été retrouvés : Bec, Rosemarie; Brouche, André; Cyffers, Huguette; Denys, Jean-Claude; Harbonnier, Claude; Lebahann, Ernest; Singlan, Gérard; Stiévenart, Serge; Taquet, Bernard. Tout renseignement les concernant peut nous être utile.
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